Le Japon Ancien ou « Époque des Codes » – partie 2

2. La période de Nara 奈良時代

Cette période s’étale de 710 à 794. Elle débute (et doit son nom) avec le déplacement, sous le règne de l’impératrice Ginmei, de la capitale de Fujiwarakyô (première tentative de capitale fixe) à Heijôkyô (Nara). Cette ville sera la première capitale permanente du Yamato : avant celle-ci la cour se déplaçait beaucoup au gré de la volonté de l’Empereur (C’est ainsi qu’une soixantaine de villes et villages avaient eu l’honneur d’être la « capitale » du Yamato durant les périodes précédentes.)

La ville de Heijôkyô 平城京 fut bâtie sur un plan chinois d’après la volonté de Tenmu-Tennô. Elle est établie sur un plan carré (4 ,8 km sur 4 ,3 km) quadrillé de rues perpendiculaires.

Ce besoin d’une capitale fixe est la conséquence directe de l’adoption du système chinois : une administration de grande taille (bien que proportionnellement moindre qu’en Chine) est mise en place : il dévient dès lors impossible de déplacer tout ce petit monde au gré des caprices de l’Empereur. De plus, l’idée d’avoir une capitale qui tienne la comparaison avec la capitale des T’ang en Chine n’est pas pour déplaire au Yamato.

Encore pour « égaler » les chinois, l’Impératrice commande la rédaction du Kojiki 古事記 ouvrage « historique » censé établir la succession des empereurs depuis Jimmu Tennô et établir la filiation directe entre la famille impériale et la déesse Amaterasu 天照大神 , démiurge (avec d’autres kami) du Japon. Le Nihon Shoki 日本書紀 (« Chroniques du Japon ») est également rédigé à cette période : il complète le Kojiki sur certains aspects historiques.

Toujours sur le plan littéraire, le Manyôshû est compilé en 760 : il est la première anthologie de poésie japonaise ; et, surtout, contient les ancêtres des futurs hiragana (manyô-gana) qui consistent en une « adaptation » des caractères chinois en caractères phonétiques japonais.

En 760, le premier « musée » du monde (Shôsô-in) est créé à Nara : il rassemble des collections d’objets précieux ayant appartenu aux Empereurs précédents (Shômu et Kôken).

L’époque de Nara est donc l’époque de mise en élaboration des codes établis pendant toute la période d’Asuka. Et c’est d’ailleurs pendant ce seul siècle qu’ils fonctionneront à plein. Ils seront par la suite vidés de leur substance, les Empereurs y perdant une grande part de leurs revenus au profit des Seigneurs et des Monastères.

L’organisation administrative était la suivante :

Le pays était divisé en 68 provinces. L’Empereur « règne » mais les fonctionnaires gouvernent en fait. Les différents « ministères » étaient répartis entre les sections de gauche (Sabenkan) et de droite (Ubenkan). L’administration des Dieux (Jingikan) et le ministère des affaires suprèmes (Dajôken) chapeautent le tout.

Il existe plusieurs rangs de fonctionnaires. Ils sont chaque année évalués ce qui leur permet éventuellement de grimper dans la hiérarchie. L’évaluation se base principalement sur la connaissance du chinois (et surtout de la poésie chinoise). La naissance permet également une progression plus rapide, les fils de hauts fonctionnaires sautant directement plusieurs rangs.

Le peuple quant à lui est divisé entre ryômin (peuple « libre ») et senmin (les serviteurs et esclaves).

Chaque habitant se voit attribué une part des rizières « cadastrées » par l’administration, en échange de quoi il doit payer des impôts souvent très élevés. Très vite le système sera détourné : les Seigneurs de la cour et les monastères obtiennent des terres exemptées d’impôts qu’ils tiennent en « fief ». Dès lors les paysans viennent y travailler en vertu de quoi ils échappent aux impôts « impériaux ». Et cela arrange les Seigneurs et les Monastères qui y voient un moyen facile de mettre ces terres en valeur et d’augmenter leurs revenus. Il faut également noter que le système traditionnel ne fonctionnait de toutes façons que dans les régions centrales du Yamato… mais très vite, dès le IXème-Xème il ne fonctionna plus nulle part.

Au niveau religieux, le bouddhisme se diffuse rapidement et voit son influence s’accroître sensiblement. Différentes écoles, venues d’Inde et de Chine, s’établissent à Nara et sont connues comme « les 6 écoles de Nara » chacune tenant son enseignement dans un ou plusieurs temples de la ville :

a. Tôdai-ji : les écoles Kegon, Kusha et Hossô y professent. C’est également là qu’un grand Bouddha sera inauguré en 749. Il avait été commandé suite à une grande épidémie de variole en 737.

b. Saidai-ji (construit en 765) « siège » de l’école Ritsu.

c. Hôryû-ji pour les écoles Sanron, Jôjitsu et Hossô.

d. Kôfuku-ji : Kusha et Hossô.

e. Darian-ji : Jôjitsu.

f. Yakushi-ji : Sanron et Hossô.

g. Gangô-ji : Sanron et Jôjitsu.

De plus, dans tout le pays des « temples provinciaux » sont établis (Koduburi ji)

Tôdai-ji
Kofuku-ji

Très vite cependant, l’influence des ces groupes religieux fut de plus en plus perçue comme néfaste. Les Fujiwara (descendants des Nakatomi qui avaient en leur temps éliminés les Soga. C’est l’Empereur Tenji qui en 699 les autorisa à prendre le nom de Fujiwara) notamment, qui contrôlaient pratiquement toute l’administration (ils en occupaient deux tiers des postes en 770), et plus encore puisque régulièrement un de leur membre épousait un membre régnant de la famille impériale, voyaient d’un plus en plus mauvais œil l’influence grandissante du clergé sur l’Etat.

La crise culmina avec le règne de l’Impératrice Kôken (qui régna sous le nom de Shôtoku). Celle-ci avait en effet commis l’irréparable erreur de nommer le moine Dôkyô comme virtuel héritier du trône (Hô-ô) ! Celui-ci lui ayant sauvé la vie par le passé, elle lui devait une reconnaissance éternelle ! Hélas pour lui, l’impératrice décéda et son successeur, Kônin Tennô, le bannit dans la province de Shimotsuke. Par la suite, la décision fut prise par les ministères réunis qu’il n’y aurait plus d’Impératrice, trop sujette à la « dévotion ». Et ce fut en effet le cas pendant près de mille ans.

Bref, ceci était révélateur de l’emprise que pouvait avoir le clergé, et sensiblement les « 6 écoles de Nara » sur la vie politique du pays. Dès lors, l’Empereur Kammu (successeur de Kônin et mis sur le trône grâce aux Fujiwara) prit une décision qui allait se révéler historique : le déplacement de la capitale !

Le choix se porta d’abord sur Nagaoka. Mais l’assassinat du chef de travaux, un Fujiwara, suivi par une étrange épidémie furent interprétés comme autant de signes défavorables. Sur les conseils de Saichô (moine bouddhiste protégé par l’Empereur car il ne faisait partie d’aucune des « 6 écoles ». Il fondra plus tard la fameuse secte Tendai.), un autre lieu fut choisi : Heiankyô 平安京, la future Kyôto en 794. Elle restera la capitale impériale jusqu’à la restauration Meiji en 1868.

Saichô

Bibliographie

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REISCHAUER Edwin O., Histoire du Japon et des Japonais, des origines à nos jours, Seuil, Paris, 1997.
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Sources photos

http://www.columbia.edu

http://www.burgessbroadcast.org
http://www.uwec.edu

icon Auteur: Duncan

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