Le Japon féodal – partie 1

1. Le Bakufu de Kamakura 鎌倉時代

Une fois Yorimoto nommé Shôgun par l’Empereur, qui dans les textes reste le seul « pouvoir » au Japon, il décida d’installer sa capitale à Kamakura, ville située à 50 Km au Sud de l’actuel Tôkyô. Le nom « Bakufu » 幕府 signifie « gouvernement sous la tente » et renvoie directement aux origines guerrières du pouvoir mis en place à cette époque.

Cette époque est dite « féodale » car son mode de fonctionnement et les relations existants entre le Shôgun et les Seigneurs n’est pas sans rappeler les rapports existants entre suzerains et vassaux dans l’Europe du Moyen-Âge. Mais comme toujours, comparaison n’est pas raison, et des différences existent entre ces deux systèmes qui font que certains historiens répugnent à parler de « Japon Féodal ».

Quoiqu’il en soit, au fil de ses victoires, Yorimoto s’était acquis la loyauté de la plupart des grands clans japonais, les quelques rebelles se virent rapidement mâtés et leurs terres confisquées distribuées à ses alliés.

Le bakufu comprenait différents « ministères » :

a. Le « Samurai-dokoro » ou « ministère de la guerre ».
b. Un service administratif ou « Mandokoro ».

c. Un pouvoir judiciaire ou « Monchûjo ».

Un représentant (Tendai) du shôgun est placé dès 1192 à Kyôto afin de surveiller l’Empereur.

Le tout était réglementé par un « Code en 51 articles » ou « Jôei Shikimoku » promulgué en 1232 (et qui restera formellement en vigueur jusqu’en 1868 !).

Yorimoto décède en 1199. À sa mort, sa « belle-famille », les Hôjô (A qui il avait été confié après la victoire des Taira et dont il avait épousé une fille) devinrent les tuteurs des deux enfants de Yorimoto, trop jeunes pour régner. Dès lors, la famille Hôjô devint la vraie détentrice du pouvoir et choisit à sa guise le Shôgun : quand le deuxième fils de Yorimoto, Sanemoto, se montra indocile, le « régent » Hôjô Yoshitoki n’hésita pas à le faire assassiner.

La cour de Kyôto pensa profiter de cette relative « faiblesse » du pouvoir Shôgunal pour reprendre le pouvoir. Bien mal lui en prit : les troupes de Hôjô Yoshitoki détruisirent l’armée impériale de Go-Toba en 1221 lors de la bataille d’Uji. Yoshitoki fit exilé l’empereur d’alors et confisqua ses terres.

Dès lors les troubles se font plus rares, et, afin d’asseoir encore plus la « stabilité politique » du pays, dès 1247, les Hôjô choisissent le Shôgun parmi les fils de la maison impériale, ce qui établit encore plus la légitimité du gouvernement de Kamakura. Les Hôjo sont quant à eux « Shikken », « Régent », et jouent près du Shôgun le rôle joué par les Fujiwara près de l’Empereur.

"Daibutsu" ou "Grand Bouddha de Kamakura",
censé être la plus grande statue en bronze du monde

Trois nouvelles « sectes » bouddhistes apparaissent à cette époque :

a. Secte amidiste : déjà apparue pendant la période d’Heian, elle était basée sur l’idée que tout un chacun pouvait atteindre l’illumination en récitant certains sutras et en s’en remettant à Amida Bouddha. Un de ses avatars est la « Secte véritable de la Terre pure » qui reste encore aujourd’hui un des plus importants mouvements bouddhistes japonais.

b. Secte Zen : basé sur la méditation (« zen ») dans une certaine position (« zazen ») dont le but est de vider l’esprit de toute pensée afin d’atteindre l’illumination. Pour s’y aider le pratiquant a également recourt à des énigmes zen appelées « kôan ». Son rôle fut très important notamment de par sa grande diffusion et son grand succès parmi les guerriers pour son rôle « d’endurcissement du caractère ».

c. Secte Nichiren : la seule secte vraiment japonaise, toutes les autres venant de Chine. Son fondateur, Nichiren 日蓮, lui donna son nom. Il professait que seule la récitation du sutra du Lotus ("Nam Myoho Rengekyo") permettait d’atteindre l’illumination, et, fait plus étrange, que toutes les autres sectes bouddhistes étaient « hérétiques ». C’est donc une doctrine extrêmement intolérante, voire violente, qui valut à son auteur une condamnation à mort commuée en exil sur l’île de Sado. Il continua à y professer, et face aux invasions mongoles, sa théorie se radicalisa encore en une sorte de nationalisme religieux exacerbé. Libéré de son exil en 1274, il mourut dans la région de Tôkyô en 1282. La Soka Gakkai, secte « laïque », se réclame aujourd’hui encore de son enseignement (Cette secte extrêmement puissante comporte plusieurs millions de membres, soutient un parti politique, organise des écoles et même une université et contrôle différents organes de presse comme l’ « Asahi Shimbun ».Elle possède également des « antennes » dans la plupart des pays du monde.)

C’est alors que la menace mongole se précise : des ambassades mongoles sont envoyées en 1268 au Japon pour demander que l’archipel se soumette au grand Khân. En réponse, le Japon décapite les envoyés…
Khubilay Khân, furieux, décide dès lors d’envahir le Japon. Après avoir complètement envahit la Corée, Khubilay envoya donc un corps expéditionnaire de 20000 hommes sur l’île de Kyû-Shû en 1274. Les japonais furent rapidement submergés et facilement vaincus mais les mongols s’en retournèrent à cause du mauvais temps.

Après avoir conquis la Chine des Song, une deuxième expédition eut lieu en 1281, bien mieux préparée celle-là, comprenant pas moins de 150000 hommes ! Entre-temps, le Shôgun avait dépêché sur les côtes toutes les troupes disponibles (essentiellement celles de l’Ouest) et fait fortifier la baie d’Hakata où l’attaque devait avoir lieu.

Les mongols firent halte dans la baie, les japonais, se rendant rapidement compte qu’ils n’avaient pratiquement aucune chance, harcelèrent la flotte avec leurs petites embarcations. Afin d’éviter que la flotte ne se disperse, les généraux mongols décidèrent donc d’attacher les bateaux entre eux. C’est alors qu’un typhon d’une violence extrême s’abattit sur la baie : toute la flotte mongole fut envoyée par le fond et les Khânous ultérieurs, devenus empereurs de Chine, ne réessayèrent plus jamais de conquérir l’Archipel. Ce typhon (et celui de 1274, moins impressionnant: l’échec des mongols étant surtout dû à leur mauvaise préparation d’alors) fut appelé « Kamikaze » 神風, « Vents divins ».

Mais ces attaques, et les énormes préparatifs nécessaires, laissèrent le shôgunat exsangue. D’autant plus qu’il fut dans l’incapacité d’offrir quoique ce soit en « dédommagement » à ses vassaux (pas de terres capturées, pas de trésors confisqués…). Certains vassaux se voient donc obligés de vendre leurs terres aux marchands (qui se sont eux considérablement enrichis), ce qui est interdit, afin d’assurer leur subsistance (d’autant plus que les terres sont de plus en plus morcelées du fait des répartitions successorales). Le bakufu décide donc de déclarer ces ventes illégales, ce qui provoque un large ressentiment parmi les clans.

L’Empereur Go-Daigo décide d’en profiter et se rebelle contre le Shôgunat pour restaurer le pouvoir impérial (encore que celui-ci n’ait jamais vraiment existé). Il fut exilé en 1331 sur l’île d’Oki. Mais, là-bas, il parvint à monter une armée composée des familles guerrières les plus mécontentes dont Ashikaga Takauji et Kusunoki Masashige dont les motivations étaient bien différentes : alors que le premier se battait pour accroître sa puissance personnelle (et l’histoire montrera qu’il y parviendra), le second restera comme le serviteur loyal de l’Empereur ; ainsi que des « mauvaises bandes », les Akutô 悪党 ou groupes de guerriers rebelles qui refusaient de payer les impôts exigés par le Shôgunat.

C’est ainsi qu’en 1333, le bakufu de Kamakura fut défait : Ashikaga prit Kyôto et Nitta Yoshida (descendant des Minamoto) détruisit Kamakura.

Go-Daigo

Ashikaga Takauji

Kusunoki Masashige (Statue visible à Tôkyô

Bibliographie

HÉRAIL Francine, Histoire du Japon, des origines à la fin de Meiji, P.O.F., Paris, 1986.
ELISSEEFF Danielle, Histoire du Japon, Éd. du Rocher, Paris, 2001.
FRÉDÉRIC Louis, Le Japon : Dictionnaire et civilisation, Robert Laffont, Paris, 1996.

YOUNG David, YOUNG Michiko et HONG YEW Tan, Introduction to Japanese Architecture, Periplus, Hong-Kong, 2004.

Sources photos

http://www9.wind.ne.jp
http://www.samurai-archives.com
http://www.kiku.com

icon Auteur: Duncan

Laisser un message