[center]Histoire de la pensée japonaise[/center]

Pourquoi "histoire" et non "pensée japonaise" tout court ? parce que je m'attarde ici à définir un contexte global historique dans lequel s'inscrivent les fondements de la pensée japonaise, ses origines, ses variations, et non la pensée japonaise en elle-même qui est majoritairement partagé entre Shintô, Confucianisme et Bouddhisme. Je traiterai séparement (comme je l'ai fait auparavant) le Shintô et le Bouddhisme.


Définition générale contextuelle :


La "pensée japonaise" (et asiatique au sens large) diffère radicalement de notre "pensée" occidentale sur un point crucial. En japonais on l'a nomme ainsi Nihon Shisô 日本思想 et ne s'apparente pas à ce que nous appelons en occident de la philosophie, qui en japonais se dit Tetsugaku 哲学. On préfere le terme d' "histoire des idées" et ce n'est en rien un jeu sémantique ; le terme de "philosophie" faisant son apparition après la restauration de Meiji avec des auteurs tels que Fukuzawa Yukichi notamment.


Définition du nom "Japon" et du "Yamato" :


Le terme de "Japon" Nihon 日本 fût choisi au VIIème siècle de notre ère par l'empereur Tenmu (ou Temmu) 天武 premier véritable "empereur", Tennô 天皇 (ou 天王 selon variations des textes anciens) du Japon. Les précédants souverains se nommaient Ôkimi 王君(Cf. Derrick Hopsbaum L'invention d'une tradition et Benedict Anderson Les communautés imaginaires).
La pensée japonaise à eu ainsi de nombreux apports étrangers, que l'on retrouvera dans la littérature (Kôjiki 古事記 et Nihon Shoki 日本書記 écrits en kambun).
Le cadre sera défini par les souverains voulant créer un état centralisateur pour faire face à l'Empire Chinois et aux 3 royaumes de Corée. Les croyances se développent donc depuis les "japonais" de Jômon et Yayoi, et l'animisme et le shintôisme évoluent. Sous l'ère Kôfun dès le 3ème siècle, comme l'ont montré les tombes par la suite, existaient déja des puissances sur le sol japonais et des gens que les chinois et coréens appelaient les Wa, qui signifie "nain". C'est ainsi que l'ancien nom du Japon, 大和 (littéralement : "la grande harmonie") à substitué l'ancien terme de Wa, plus péjoratif.


L'influence continentale dans les relations internationales :


Le "Japon" de l'ère Yamato n'était à cette époque pas reconnu en tant que pays à proprement parler, mais plutôt considéré comme une petite province par l'immense empire chinois. Ce Japon naissant voulait donc s'inscrire et peser dans les relations internationales afin d'affirmer leur autonomie et leur puissance, tout en continuant de s'instruire à une période qu'on a nommée par convention "l'école de la Chine", où les prémices d'un état hierarchisé vont apparaitrent.
Le monde qui entourait l'empire de Chine sous la dynastie Zhou (puis Han) était considéré comme "barbare", les populations annexes se devaient d'être soit tributaires, soit sinisées (comme les cavaliers mongols par la suite) et acquéraient ainsi leurs titres de souverains selon la volonté de l'Empereur de Chine, qui restait seul et unique empereur au monde, lié par son mandat céleste.
De ce fait les 3 royaumes de Corée et le pays des Wa se soumettaient afin de recevoir cette civilisation chinoise.


L'influence du Bouddhisme dans la pensée japonaise :


Le Bouddhisme a eu un role décisif dans l'exportation de la pensée chinoise ; sous l'ère Kôfun le Confucianisme avait déja posé ses marques, mais l'accepter aurait conduit à une pure et simple sinisation du Yamato, ce que les dirigeants japonais ne voulaient pas (tout du moins au final). Le Bouddhisme apporta ainsi la solution, car il n'était pas d'origine chinoise et donnait un message universel. Son expansion n'en fut que plus rapide, à tel point que le roi Yômei se convertit en 587.
Cette propagation accélerée accentua cependant les tensions qui existaient déja entre Confucianisme et Shintô.
L'influente famille Sôga pro-bouddhiste rivalisait à la cour avec les Mononobe pro-shintô. Défaite en 594 des Mononobe, et de ce fait le Shintô ne fut pas choisi pour affirmer la pensée japonaise car il ne donnait aucune vision du monde dans sa globalité et ne pouvait affirmer une pensée propre sans connaissance ni savoir universel, à l'instar du Bouddhisme.

Le prince régent Shôtoku Taishi 聖徳太子 qui livra la Constitution en 17 articles donne des instructions à caractère bouddhique et confucianiste pour gouverner (respect des ancêtres, des règles et de l'ordre hiérarchique "l'empereur est le ciel, le vassal est la terre"). Le but étant de trouver l'harmonie (和).
Cette constitution montre que les souverains faisaient déja appel à la pensée étrangère, afin de créer un pouvoir fort en l'étendant à toutes les couches de la population (seuls les nobles lettrés connaissaient le Bouddhisme car il fallait savoir lire les classiques chinois).
On retient une phrase célèbre de Shôtoku Taishi dans une lettre adressée à l'empereur chinois :"De la part du souverain du pays du Soleil Levant au souverain du pays du Soleil Couchant". Dans cette anodine phrase se cache la volonté des japonais de s'affirmer comme "nation" légitime face à la Chine.
Par la suite on assiste donc à une rebellion contre la famille Sôga (bouddhiste) qui détenait le pouvoir réel à la cour impériale en 645. Le prince Naka no Oe 中の大兄 fait assassiner les dirigeants Sôga pour instaurer la réforme de Taika 大化 et donner naissance à un état centralisé (à la chinoise ce qui peut paraitre paradoxal).

L'empereur Tenmu prend le pouvoir en 672 suite à une guerre civile et devient le premier empereur à se faire nommer Tennô ; terme venant du Tao qui désigne l'étoile polaire divine, suivant le nom du premier empereur des T'ang, Gao Zong.
Tenmu va alors officialiser une oeuvre de construction de temple à travers tout le pays, le Kokubunji 国分寺 et mobilise le Bouddhisme et le Shintô (car l'empereur est sensé descendre de la déesse shintô Amaterasu, donc le titre se doit d'être légitimé par cette descendance divine shintô). Le nom de Nihon est ainsi accepté par l'impératrice chinoise Wu Ze Tian en 702.
Le Japon est de ce fait reconnu comme nation à part, ayant une pensée propre et capable de s'inscrire comme une puissance autonome au VIIIème siècle de notre ère.



Bibliographie :

Pierre LAVELLE Ed: Que Sais-je La pensée japonaise
Anne CHENG Ed: Seuil Histoire de la pensée chinoise

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Je constate avec curiosité et un peu d'étonnement que le Japon jouit d'une histoire religieuse relativement ancienne comparée à mon pys asiatique de prédilection (que je ne citerai pas pour entacher ton superbe article). Ce-tel a beaucoup subit l'influence de la Chine et du Japon durant sa longue période de domination, et ce n'est que très tard que le Bouddhisme et le Confucianisme sont apparus ( aux alentours du 9ème siècle).

J'ai cru comprendre que le confucianisme avait eu du mal à s'installer au Japon : pourtant certains fondements y sont encore bien ancrés aujourd'hui, comme la place de la femme en société...je me trompe peut être.

Tu peux m'éclairer?

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내 한국 일음 이 임향민 야 ㅋㅋㅋ
http://bathankaal.deviantart.com

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Topic intéressant.

On voit bien comment les différentes pensées ont participé à la mise en place d'un véritable Etat dès l'origine.
Et on voit aussi un élément caractéristique de la mentalité japonaise déjà présente : puisé dans les idées des autres sans perdre sa propre identité.


Tu dis vouloir traiter le bouddhisme et le shintô séparément mais comptes-tu parler brièvement du shugendô?

J'essayerai de traiter si je le peux, le Shugendô, mais je préfère ne pas dépasser mon champ de connaissances et de ce fait éviter de faire un topic dont la véracité historique serait contestable.
Ce que j'écris quand je fais ce genre de sujet vient de mes cours d'une part, et de recherche personnelle en vue de mon futur mémoire de master d'autre part. C'est pour cette raison que je cible strictement ce que je traite. Le Shugendô n'est à l'heure actuelle pas suffisement décrit dans les ouvrages français (ceux auxquels j'ai accès tout du moins) pour que je ne fasse que le survoler en glanant quelques infos. Et je n'aime pas parler d'un sujet aussi intéressant comme s'il s'agissait de faire un bref résumé. Patience donc ^^.

Pour ce qui est du Budô il s'inscrit peu dans les topics que je fais, car ce n'est pas un "courant" de pensée ou une religion à part entière, mais un mode de vie basé sur une pensée (en l'occurance le Zen puis le Néo-confucianisme sous l'ère Tokugawa). Le Hagakure reste certes très intéressant mais je dois laisser les samurai de côté pour le moment.

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Comment décrire ce monde – un oiseau aquatique
De son bec perle une goutte où se mire le reflet de la lune.[/center][center]Eihei Dôgen[/center]