Si pour de nombreux parents, le mot enfant est synonyme de rires et de joie, pour de plus en plus d’adultes japonais, cela ne rime plus qu’avec les mots bruit, cris et hurlements.
Le Japon est malheureusement connu pour avoir une population qui vieillit de plus en plus au fil des années, et il n’est plus rare de croiser des gens qui n’ont pas honte de dire qu’ils ont du mal à supporter les enfants. Comme les jeunes sont devenus de moins en moins nombreux les gens n’ont plus l’habitude d’entendre les bruits des enfants explique Masako Madea, une spécialiste universitaire de la démographie.
L’intéressée affirme même que dans cette société vieillissante, l’exaspération grandirait à tel point que cela pourrait se terminer en quasi intolérance. Ces propos forts viennent confirmer des faits établis. En effet à l’instar des autoroutes et des aéroports, les crèches et autres garderies, sont souvent elles aussi obligées d’ériger des palissades antibruits pour diminuer le nombre de plaintes du voisinage. Dans le même esprit, les clubs de sport n’ont pas d’autres choix que de restreindre les activités extérieures pour ne pas attiser la colère des voisins.
Masako Madea raconte :
Avant, on entendait des scènes de ménage par les fenêtres ouvertes, maintenant les gens ont des casques sur les oreilles et ne veulent surtout pas de bruits étrangers quand ils écoutent de la musique. C’est un cercle vicieux: moins d’enfants = moins de bruit, donc plus de plaintes le cas échéant, et finalement le sentiment de plus en plus répandu chez les jeunes qu’il vaut mieux ne pas avoir d’enfants.
La spécialiste universitaire se souvient encore des pressions du voisinage lorsqu’elle s’occupait de projets de futures crèches à Yokohama, dans la grande banlieue de Tokyo :
on nous a même recommandé une fois de ne pas emmener les enfants en promenade !
Nobuto Hosaka, le maire de Setagya, un quartier de Tokyo, s’est fait une belle réputation et tout une foule de «suiveurs» sur Twitter pour ses commentaires pro-jeunes. Lui aussi dit à l’AFP qu’il s’inquiète pour un pays qui ne tolère plus ou pas le bruit des enfants :
Dans une école secondaire que je connais, des gamins chantaient en faisant du sport. Des voisins se sont plaints, et maintenant ils s’exercent en silence.
Vous trouvez cela choquant ? Alors que direz-vous lorsque vous apprendrez que les jeux en plein air sont désormais limités à 45 minutes peu importe le temps qu’il fait, tout comme les fêtes traditionnelles annuelles de quartier qui doivent être organisées en intérieur. Une employée municipale de l’arrondissement de Meguro à Tokyo qualifie même “d’horreur absolue” les piscines découvertes au plus fort de l’été.
Le maire s’indigne :
Bien sûr c’est légitime de se préoccuper du voisinage, mais vous ne pouvez tout de même pas faire jouer des gosses en silence.
Pour lui, au lieu de râler et se plaindre, ces personnes-là devraient ouvrir les yeux et s’apercevoir que les fameux bruits qui les dérangent tant sont en fait ceux de leur propre avenir.
Ils se préoccupent sans cesse de qui va cotiser pour leurs retraites et leur sécurité sociale, mais ce sont les mêmes qui ne supportent pas ces gamins qui demain seront justement les contribuables qui payeront la note.
Un quart de la population japonaise est âgée de plus de 65 ans et le pays s’enfonce chaque jour un peu plus dans la dénatalité. L’indice de fécondité moyen est de 1,39 enfant par femme alors qu’il en faut 2,1 pour assurer un renouvellement des générations. Les enfants entre 1 et 14 ans ne représentent qu’une faible part de 13,2 % de la population, soit le taux le plus bas de la planète, et même pas la moitié du pourcentage global dans le monde: 26,8 % selon l’ONU.
Nobuto Hosaka